Ecrire.
Les
enfants de ma génération vous le diront, nous n'étions pas
prédestinés à nous passionner de mots. Nous sommes : "La
génération Y, les enfants du millénaire. Ceux qui sont nés entre
la découverte du SIDA et le 11 septembre 2001". Nous
sommes de ceux qui ont grandi avec l'apparition d'internet dans les
foyers familiaux, de ceux qui pour noël, rêvaient d'une Nintendo DS
à huit ans et d'un ordinateur portable à 10 ans.
Inconsciemment,
j'ai toujours vécu en dehors de cette effervescence de sites web, de
jeux vidéos, j'ai toujours pensé ne pas être née à la bonne
époque. J'aimais les jeux de société, les livres, je rêvais de
pouvoir faire des cabanes dans les bois, de voyager, et d'écrire.
Alors pour mes 8 ans, on m'a offert une machine à écrire, certes
remise au goût du jour et tout en plastique, mais quand même. Je me
souviens de la réaction de ma famille : "Qu'est ce
qu'elle va pouvoir faire avec ça ?". J'ai vite trouvé
la réponse : deux bâtons et une couverture tendue dans ma chambre
m'ont offert une cabane, il a suffit d'y mettre une lampe de chevet,
ma super machine à écrire en plastique rose et blanc, et le tour
était joué. J'écrivais mal, j'écrivais sur rien, mais j'écrivais.
C'est
comme ça qu'a commencé mon histoire d'amour avec les mots. Quelques
histoires d'enfant dont l'orthographe et la syntaxe feraient faire
un AVC à un professeur de lettres sont
nées de cette machine à écrire, puis j'ai laissé tomber le
clavier, trop impersonnel. A l'heure où les enfants réclamaient des
jouets et des sucreries dans les magasins, j'ai fait acheter à ma
mère des dizaines de stylos. Des plumes, des stylos à bille de
toutes les couleurs, des feutres et crayons en tous genres. Au delà
du fait qu'écrire soit aussi créer et imaginer quelque chose de
nouveau, j'ai découvert que la graphie était aussi ce pourquoi
j'aimais tant écrire. Je suis encore fascinée aujourd'hui par le
fait de noircir une feuille blanche, de choisir la taille de mes
lettres, la couleur de mes mots, de faire quelque chose de
compréhensible à partir de rien. Du reste, j'ai compris très tôt
que les pensées et les paroles tombaient vite dans l'oubli, d'où la
nécessité de les coucher sur papier. Les souvenirs sont des
fragments de temps qui ne reviennent pas.
"
Car le mot, qu'on le sache, est un être vivant,
La main du songeur vibre et tremble en l'écrivant ;
La plume, qui d'une aile allongeait l'envergure,
Frémit sur le papier quand sort cette figure,
Le mot, le terme, type on ne sait d'où venu ;
Face de l'invisible, aspect de l'inconnu,
Crée, par qui ? Forgé, Par qui ? Jailli de l'ombre ;
Montant et descendant dans notre tête sombre,
Trouvant toujours le sens comme l'eau le niveau ;
Formule des lueurs flottantes du cerveau. "
VICTOR
HUGO - LES CONTEMPLATIONS - VIII
Depuis
l'enfance, des carnets s'entassent, des feuilles volantes se perdent
un peu partout où je passe, Sur mes trousses d'école, sur mes
cahiers, sur mes murs, mes vitres, mes miroirs, il y a des mots des
phrases et des citations de toutes sortes. J'ai longtemps écrit des
histoires, me suis inventé un monde parfait dans ces petits carnets
sans aucune structure. J'ai décrit des paysages sur des dizaines de
pages pour pouvoir les contempler à nouveau en me relisant. J'ai
rêvé sur du papier, libre de dire ce que je voulais, de penser
comme je l'entendais et de comprendre par moi même ce qui
m'entourait. Je pense encore aujourd'hui que les stylos,
carnets et journaux intimes sont, comme les livres, les amis
silencieux des enfants solitaires. Mais à force d'écrire sur rien,
on finit par produire de longs discours vides de sens. Lisez
Flaubert, lorsqu'il a voulu écrire "un livre sur rien", il
a écrit Madame
Bovary. C'est
un avis absolument personnel, mais je pense qu'il aurait pu
éviter de nous livrer son ennui et son mépris de la société en
576 pages. L'intrigue que j'ai trouvé enfantine et fleur bleue à
souhait tient en un résumé de 100 pages. Et du blabla pour le
reste.
Après
avoir écrit pour moi même des réflexions et des états d'âme,
j'ai décidé d'écrire pour les autres et sur les autres. Il y a
donc ce carnet assez récent, dans lequel chaque personne que je
rencontre, si elle m'intrigue, a sa petite page. A chaque fois que je
fais ça, je me dis que dans vingt ans je pourrai me relire et
retrouver un peu de chaque personne qui aura marqué ma vie. Relire
une personne pour la retrouver exactement comme elle était au moment
même où elle a marqué mon esprit.
Puis
j'ai voulu aller plus loin, écrire au delà du simple journal intime
où du carnet de réflexions en essayant à deux reprises d'imaginer
un roman, une fiction crée de toute pièces, en vain. Je ne suis pas
faite pour inventer des histoires, rien n'est jamais impersonnel dans
la mesure où inconsciemment, chaque personnage que j'ai su inventer
comporte un peu de moi, un peu de quelqu'un de mon entourage et cela
restreint mon imagination quand je m'en rends compte.
Donc,
j'ai tout arrêté pendant longtemps et me suis mise en quête d'une
nouvelle alternative. Puisque je ne voulais plus me résoudre à de
petits carnets, que je n'arrivais pas à aller au bout d'un roman et
que je ne pouvais pas envisager d'arrêter d'écrire plus longtemps.
Comme changer de registre ne me réussissait pas, j'ai décidé
de changer de support. Pourquoi ne pas troquer mes carnets de papier
pour de petits articles sur un écran, à l'image de mes feuilles
volantes. J'ai pensé que faire partager ces quelques réflexions ne
pouvait m'apporter que du positif. D'où cet essai de blog qui je
l'espère donnera lieu à des critiques constructives. Apparemment,
il faut apprendre à vivre avec son temps.
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