Salut tout le monde, je reviens ici discuter un peu avec vous, ou parler seule. Peu importe, le stress de la rentrée fait son travail et j'avais besoin d'en écrire un petit quelque chose.
Les enfants n'aiment pas tous l'école, la rentrée souvent est synonyme d'angoisse. Cela n'a jamais été mon cas, jusqu'à présent. J'ai toujours été une gamine scolaire qui aime l'école et pour laquelle le jour de la rentrée est l'un des plus attendus de l'année. De la même manière, rester assise des heures sur une chaise à écouter parler un prof ou un intervenant m'a toujours plu. Du plus loin que je m'en souvienne, je n'ai jamais simulé une grippe ou une gastro pour ne pas aller à l'école (quoique peut être pour l'EPS session ping pong ...). J'ai aussi eu la chance de passer pour une bonne gamine aux yeux de mes professeurs, de la primaire à la fin du collège, j'ai été contente de voir arriver ma mère aux réunions parents-profs. Peut-être que cet intérêt tout particulier pour l'école me vient des classes que j'ai fréquentées. Souvent, j'entends parler d'humiliation, d'un système scolaire qui ne s'adapte pas aux spécificités des élèves et finit par les décourager. Forcément, en grandissant, on constate que c'est réellement problématique. Seulement, je fais partie des chanceu.x.ses qui n'ont pas souffert de cela puisque les écoles dans lesquelles j'ai évolué affichaient un niveau d'enseignement et de tolérance plutôt correct. Bien que lorsque je repense à mes années dans un collège de ZEP certains souvenirs soient assez désagréables (intolérance, racisme, bagarres, délinquance ...), j'ai toujours bénéficié d'une équipe enseignante compétente et compréhensive sachant la plupart du temps s'adapter au niveau et aux spécificités de chacun. Jusqu'au lycée, je ne me souviens pas avoir été angoissée à l'idée de découvrir ma classe et mes professeurs à chaque rentrée. Je savais que pour moi, tout se passerait bien. Des copains d'enfance présents au rendez-vous, des facilités d'apprentissage, et des "Bonjour Camille" des parents et professeurs qui me connaissaient comme "La gamine du village, fille de ... , de la famille machin.".
Tout un tas de petits privilèges qui ont fini par me complexer plus tard, puis par me manquer lorsque je les ai perdu. Au lycée, première rentrée des classes angoissante mais attendue cependant avec impatience. Classe dans laquelle je ne connaissais absolument personne (parce que j'avais voulu éviter mon lycée de secteur au niveau très bas), professeurs inconnus, l'anonymat. Plus personne pour dire "Ah mais LECOMTE ? La fille de Christophe, la nièce de ...". Rentrée en seconde dans une période difficile et déguisement pour me sentir mieux : Talons hauts, sac Longchamps, jean moulant, maquillage à outrance. Rentrée des classes avec un look de pouffe, rentrée des crasses dans un lycée de pouffes. Population : 80% de filles et parmi elles, deux bons tiers des bourgeoises du centre ville (lycée situé en plein cœur des rues commerçantes). Tenue requise pour une fille au lycée Madame de Sévigné : Jupette, bouclettes, fringues de marque. Je n'avais que les bouclettes pour moi, et encore, pas de coiffeur hors de prix pour les balayages. J'ai fini par trouver ma place dans la première L de ce lycée. Les L sont différents des autres, reclus, sans artifices (ah si ... des piercings et des fringues de lutin) et en L, la pouffe, c'était moi.
Toujours pas d'angoisse cependant, il a suffit que je redevienne moi-même pour m'intégrer (sarouel, sweat, baskets). Et toujours les facilités, pas besoin de travailler. Sortir du lot, c'était facile avec de bons résultats. Toujours la bonne élève avec une grande gueule : "A la limite de l'insolence" disaient-ils, mais ça passait à l'as parce que "les résultats sont excellents". L'école, toujours pas d'angoisse, toujours un plaisir. Mon année de terminale a renforcé cet attachement au milieu scolaire. J'y ai eu des professeurs fascinants qui m'ont donné l'envie d'enseigner à mon tour, quand il viendra. (Clara Larchez-Saladé, Aurélie Virquin et Philippe Varnoteaux, si vous passez par là !). Je dois beaucoup à mes professeurs et à mes camarades de terminale puisqu'ils ont réveillé des vocations et suscité chez moi des prises de conscience au travers de longues discussions et de nombreux débats entre deux cours. L'un d'entre eux disait : "Je suis passionné par mon métier mais dégoûté par mon système.", un autre : "Je ne vois aucun intérêt à mémoriser vos patronymes puisque vous n'êtes pour ceux qui décident de votre avenir, que de vulgaires numéros de matricule.". Je crois que c'est à ce moment là que j'ai eu envie de passer ma vie à l'école et d'enseigner pour que peut être mes élèves puissent se sentir plus importants que de "vulgaires matricules.".
Puis il y a eu la fac. Vous les sentez là, les numéros ? Moi c'est 21506765, enchantée. Enchantée et MERCI ! Merci de m'avoir conforté dans l'idée de finir à votre place. Bon, bien entendu y'a des universitaires très cools hein, et heureusement. Mais c'est pas une majorité. Et c'est dommage. Dans ma promo cette année, nous étions 90. Mes enseignants au lycée avaient 150 élèves et connaissaient leurs prénoms. Alors quand certains à la fac se permettent de vous interpeller par votre nom de famille sans prendre la peine de mettre un "Mademoiselle" ou un "Monsieur" devant, faites comme moi, prenez un malin plaisir à répondre : "Oui (nom du prof)". Dans la vie en générale d'ailleurs, faites le. Personne ne devrait être condescendant à ce point. Je parle beaucoup du corps enseignant parce que c'est un métier qui m'a toujours fasciné et que je ne parviens pas à comprendre comment on peut ne pas l'exercer par vocation, avec passion et bienveillance. Transmettre un savoir c'est génial, mais transmettre des valeurs humaines est tout aussi important. Donc j'ai passé deux ans à la fac, entre fascination par les cours magistraux et désillusions quand je me suis rendue compte que tous les professeurs n'étaient pas des supers héros.
Même quand vous êtes bon.ne élève, l'université réserve des surprises. Et on comprends vite qu'il est difficile de finir en tête de classe pour la bonne et simple raison que ceux qui sont encore là après la deuxième année ont eux aussi toujours été de très bons élèves. (Et c'est malheureux d'ailleurs. Je me dis peut-être à tort que si tout le monde pouvait vivre sa scolarité comme moi je l'ai vécue, tout le monde aurait sa place à l'université. Parce que de la maternelle à la terminale, j'ai été l'élève pour laquelle les structures en place étaient adaptées. Issue d'une famille nucléaire classique, blanche, catholique, parfaitement valide, avec des parents qui suivaient de près l'école. Le milieu duquel sortent mes copains de promo, sauf exceptions, est étrangement similaire. Et encore, j'ai parfois l'impression d'être une rescapée quand je vois d'où viennent les autres, et d'où je viens moi ... Complexe de classe ??) . Enfin bref, passons là dessus.
"Camille, il va arriver un moment ou le fait de te reposer sur tes acquis et ta fainéantise te joueront des tours ... Fais attention, commence à travailler maintenant." Ma mère, mes profs, mes amis ... Et ils avaient raison. Arrivée en troisième année de fac, je ne sais toujours pas travailler, bosse à la dernière minute, me repose sur une bonne mémoire auditive en arrivant parfois aux examens sans même avoir ouvert mon cours. Et vous savez quoi ? Eh bien cela ne marche plus. Les notes ont fini par chuter et c'était inévitable. Donc je prépare ma rentrée en troisième année avec l'impression d'être arrivée jusque là par erreur. L'impression d'avoir dupé tout le monde ou simplement d'avoir eu de la chance. C'est ça le complexe de l'imposteur ? Est-ce crée par moi où par les gens au comportement odieux qui font bien comprendre à certains qu'ils ne devraient pas être ici ? Est-ce que cela aurait été différent si on m'avait dit dès le début que je n'étais pas destinée à cela à la base ? Ce que d'ailleurs j'aurais du comprendre puisque personne dans ma famille n'a jamais foutu un pied à l'université. Vous auriez vu à quel point mes parents étaient fiers quand j'ai validé ma fucking L2, surtout à quel point ce sont les seules personnes à croire dur comme fer que je suis promise à un grand avenir et à une grande carrière universitaire. LOL. Moi j'ai compris comment ça marchait, pourquoi ça serait plus difficile pour certains que pour d'autres. Mais eux n'ont pas conscience de ça.
Et donc la rentrée des classes prend un goût amer et des airs de : "Si je n'y arrive pas ...", pour la première fois. Et même si j'y arrive, combien de temps ça va durer ? Aurais-je la force de me barricader chez moi pour passer ce concours tout en enchaînant les jobs pour payer un loyer ? Oui peut être que j'aurais le courage de rester encore longtemps étudiante dans ce système universitaire de merde qui me fait des pieds de nez, avec l'espoir qu'un jour je pourrai le rendre un peu moins merdique, juste un petit peu. En agissant de l'intérieur et en faisant comprendre à mes étudiants qu'ils ne sont pas là par erreur.
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