Ici, le terme "femmes" est inclusif. Sisters not cis-ters. J'utilise "hommes" et "femmes" pour parler de groupes sociaux
Ceci n'est pas un billet politique, il est à lire (comme tous les autres) comme l'expression d'un ressenti qui m'est personnel, je ne prétends pas détenir une quelconque vérité. Le "je" exprime des opinions qui n'engagent que moi.
Je ne prétends pas que l'hétérosexualité soit une tare, ni que les hommes soient tous d'infâmes goujats : on parle ici de masculinité dominante dans le cadre du système couple. La critique porte sur des modèles.
A l'heure où les féministes se tirent dans les pattes sur les réseaux sociaux dans le but de savoir si l'hétérosexualité constitue une entrave à leur militance, où les lesbiennes politiques se défendent d'être des féministes radicales qui ne sympathisent pas avec l'ennemi, où l'on n'arrive plus trop à se persuader que notre orientation sexuelle est plus innée que politique ... Je me rends compte que jamais ici je n'ai questionné mon lesbianisme, ni ouvertement écrit ce qu'impliquait pour moi de ne relationner qu'avec des femmes où raconté les méandres d'un coming-out déjà vieux de quatre ans. Et je crois qu'il est temps ...
Du plus loin que me reviennent mes souvenirs, j'ai toujours aimé les femmes. Toujours cherché à établir un contact bien plus intime qu'avec les hommes, à créer du lien. De la toute petite enfance à ce jour, par tranches de vie, je n'ai jamais vécu sans une femme dans la tête, dans le cœur, puis dans la peau. Obsédée comme on peut l'être de celle qui à chaque fois, attirait mon regard et ma curiosité bien plus que n'importe quel homme. Seulement, j'ai découvert les codes de l'amour aux bras des garçons. Adolescente, j'aurais été bien incapable de reconnaître ces obsessions, ces papillonages divers à l'égard des femmes comme la naissance d'un sentiment amoureux, dont je n'aurais pas assumé les conséquences. J'ai vécu des histoires classiques, empreintes de schémas bien rangés, qui m'ont fait minauder, me mentir à moi même et m'épiler intégralement *rires*, qui m'ont valu une place correcte sur le marché de la séduction et de l'amour de 14 à 21 ans. Effet cool kid, jolie plante d'un lycée de centre-ville, petite amie de jeune militaire et frêle comme on apprend à l'être à toutes ces jeunes filles qui tendent vers la sacro-sainte norme.
J'ai fini par assumer, du moins par comprendre que c'était aux bras des femmes que se tracerait ma vie amoureuse, au cours de ma première année à l'université. Aussi que ce que j'avais pu ressentir aux bras et aux draps des hommes n'avait rien d'agréable ni à mon cœur, ni à mon corps et pardonnez le Messieurs... A mon cerveau encore moins. Au delà de la certitude d'avoir toujours été homosexuelle finalement, j'en viens à me demander si ce lesbianisme n'est pas aussi politique qu'il est naturel. A la lecture des débats actuels sur le féminisme hétérosexuel, je suis obligée de constater que si un jour, par l'intervention d'un mauvais génie, je venais à tomber amoureuse d'un homme, je ne voudrais ni ne saurais m'en accommoder et entrer en relation. Car c'est évident, même les hommes les plus déconstruits et éduqués à la question du sexisme et de la domination masculine imposent de fait, dans leurs couples, des schémas empruntés au patriarcat car ils ne connaissent que ça. Je considère alors qu'être homosexuelle est une chance. Je n'y suis pour rien, n'en retire aucune sorte de fierté, mais m'en estime heureuse. Car ma vie amoureuse échappe à la charge mentale d'une mauvaise répartition du temps de travail domestique, à la frustration d'être incomprise un matin de douleurs vives au premier jour des règles, à la pression familiale normative qui veut que ces émois se soldent par un grand mariage et un ventre rond ... C'est d'ailleurs étonnant, cette manière qu'a ma famille de ne plus affirmer que je finirai bien par changer d'avis lorsque j'affirme ne jamais vouloir être mère.
Je n'ai aucune réponse à apporter à la question : "pourquoi les femmes ?", tout ceci est personnellement ressenti, de l'ordre de l'inné... Mais au fond... Elles sont douces. Lorsque j'ai compris mon homosexualité, surtout admis que j'en avais le droit et que cela ne faisait pas de moi une femme incorrecte, j'ai aussi compris que j'avais tout à réapprendre. Je suis convaincue que ce que l'on ressent en tombant amoureuse d'une femme, est si différent de ce que l'on voit ou lit dans les romances, qu'il faut du temps et de l'énergie pour l'appréhender et simplement se rendre compte qu'il s'agit bien d'amour. Car les femmes ne sont pas les hommes. Ces relations lesbiennes sortent tellement des schémas que l'on nous inculque qu'elles sont difficiles à penser au prisme de l'amour et du désir.
Les femmes qui aiment les femmes ne séduisent pas comme les hommes hétérosexuels, elles laissent le choix, étalent généralement très rapidement leurs émotions sur la table et ne portent pas de jugement sur celles des femmes qu'elles séduisent ou désirent. Je perçois les rapports de séduction entre femmes comme étant plus honnêtes et moins enrobés de romantisme cliché que les rapports hétérosexuels. Je me plais à imaginer que les débuts d'un amour entre femmes consistent à jouer à la balle : quand l'une enrobe une balle d'émotions qu'elle envoie à l'autre pour qu'elle y ajoute les siennes et ainsi de suite ... Qui fait qu'à la fin, elles connaissent tout l'une de l'autre et se comprennent sans avoir à vraiment se parler. Et cela place de fait les deux partis sur le même pied d'égalité : pas de domination, pas d'humiliations, pas ou peu de conflits d'égo, l'espoir seulement d'une relation honnête où seule la franchise et la fin peuvent faire mal. Je me plais à constater que la femme d'une femme est aussi sa meilleure amie, sa presque sœur dans l'âme et sa confidente. C'est comme ça que j'aime aimer les femmes et que j'aime qu'elles m'aiment. Aussi je confesse, parce qu'on n'a pas besoin de leur rappeler que le linge ne se lave pas tout seul et qu'elles ne pissent pas sur le rebord de la cuvette des toilettes.
Mais tomber dans les bras d'une femme, quand on a toujours appris à se faire aimer des hommes, a été pour moi et je le crois pour d'autres, un bouleversement émotionnel total. Comme si dans cette courte vie qu'est la mienne, il y avait eu un avant et un après. Les questions autour du coming-out sont encore aujourd'hui bien douloureuses. On peut ne pas être homophobe, n'avoir aucun problème avec l'amour, et avoir intériorisé la honte de sortir des normes imposées par nos familles au point de ne jamais réussir à sauter le pas, et ça fait mal. On peut y arriver et se mettre à dos celles et ceux qui construisaient notre monde, ainsi le bonheur est partiel : je suis encore totalement incapable de mentionner mon homosexualité devant mon grand père qui très certainement ne voudrait plus entendre parler de moi, et ça fait mal. La bataille pour faire comprendre à ma propre mère que je n'étais pas différente, et que cette annonce qui l'a frappée comme un coup de massue ne devait en aucun cas changer la perception qu'elle avait de moi, m'a blessée profondément. De ce coming-out, il reste des séquelles, même si je constate que c'était simplement un sale moment à passer et qu'à ce jour, j'ai d'excellents rapports avec la grande majorité de ma famille.
Tomber dans les draps d'une femme après n'avoir appris à coucher qu'avec des hommes, a été pour moi un tourbillon ingérable. L'esprit et le cœur scindé en deux : Dieu que c'est bon d'une part, de l'autre ... Ai-je vraiment accepté consciemment tous ces rapports sexuels hétéros par simple convenance sans jamais les avoir désirés ni appréciés ? (A cet instant je me dis ... Cela doit être super chouette de se découvrir bisexuelle ...).
Sur ce terrain des corps, les relations sexuelles entre femmes me semblent, encore une fois, être bien plus égalitaires. Toute domination, s'il en est, est consentie ou désirée et ne s'impose pas de fait. Loin de moi l'idée d'entretenir un cliché vieux comme le monde qui voudrait voir le sexe entre femme comme une suite de tendres caresses sans feu ni folies : les femmes entre elles baisent aussi. Mais même quand elles baisent, elles font l'amour. Je perçois cette sexualité là comme un échange à l'écoute de l'autre, une fusion de deux corps (ou plus, après tout vous faites ce que vous voulez) qui se connaissent et se reconnaissent. Là où le modèle dominant préliminaires/coït/éjaculation/dodo n'existe pas. Là où chaque geste n'est établi que dans le désir d'attiser le désir de l'autre. Là où jouir ou ne pas jouir n'est pas une fin en soi ... Mais où l'on jouit quand même tellement plus souvent et tellement plus fort qu'il serait bien décevant de faire machine arrière ...
Là où, dans l'étreinte et l'intention d'un simple baiser, j'ai vu des hommes me prendre la bouche, et des femmes simplement offrir leurs lèvres. Là où je n'ai jamais eu l'impression, même pas une seconde, d'être une proie où de ne pas avoir le droit de décider où, quand, comment. Où chaque caresse veut dire autre chose que la précédente, où la connexion intellectuelle et physique est si forte qu'elle en devient tantrique. Où l'on peut aisément se déclencher des orgasmes juste en se regardant. Oui, dans ces draps là, j'ai trouvé une partie de moi que les hommes n'avaient jamais révélée. Et puis ces cheveux longs et parfumés, la douceur de ces mains là, la bienveillance de ces gestes jamais imposés mais toujours proposés du regard... Incomparable...
Pour avoir sondé des copines hétéros sur ces questions, ce sont des émotions qu'elles disent pour la plupart ne pas connaître. Où pas à ce point. L'une d'entre elles m'écrit : "Je pense que les hommes ne donnent pas accès à cette intimité profonde de leur être, ils pensent le sexe en termes de performance et ne laissent que très peu de place à l'émotionnel." ... Une autre, bisexuelle, me dit : "Avec les hommes c'est bon, avec les femmes c'est beau." ... Amies, sur ces questions, vos retours m'intéressent. Car il est encore très difficile pour moi de répondre à cette question qui m'est souvent posée : "C'est si différent que ça ? Qu'est ce qui change entre les hommes et les femmes ?" ... Question à laquelle je n'ai pour réponse que "tout".
Alors pourquoi les femmes ?
Parce qu'elles sont fortes, honnêtes, assument d'être sensibles. Elle sont douces, mais rarement fragiles et elles écoutent, retiennent et me fascinent. Elles se proposent en amies, amoures, amantes, mais jamais ne s'imposent en dominantes perverses. Elles n'entretiennent aucune forme de violence systémique dans le cadre de leurs couples, ont conscience de l'autre. Il est facile de leur parler, facile de savoir ce qu'elles ressentent vraiment car il suffit souvent de leur poser la question. Parce qu'elles sont belles dans leur diversité et leurs tempéraments. Parce qu'elles sont sensuelles et sauvages à la fois ... Parce qu'on se sent en sécurité émotionnelle dans n'importe quel type de sororité.
Voilà donc pourquoi les femmes plutôt que les hommes, et je ne saurais toujours pas vous dire s'il y a où non, une part de choix.
Ceci dit, si mes sœurs hétérosexuelles aiment les hommes autant que j'aime les femmes, je veux bien entendre et comprendre qu'elles ont envie de se réveiller chaque matin à côté d'eux.
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