Difficile est le chemin qui mène à la paix intérieure. Ce billet est difficile, trop difficile à écrire mais nécessaire, il parle de grandes séquelles, de pleurer ses morts. Il parle de souffrances et de culpabilités diverses, il aborde la question du suicide de ses proches. Libre à vous de ne pas aller au bout si le sujet est sensible, j'ai besoin de l'écrire pour trouver ma paix, après 2020. Libre à vous d'aller au bout, seulement si en amont vous vous faites à vous-même la promesse de ne pas me juger pour mes mots, c'est déjà bien assez complexe.
Ma psychologue m'a dit qu'il fallait les laisser partir, pour que cessent les cauchemars où d'autres gens que j'aime disparaissent, se font du mal, s'infligent des maux pour ne plus exister. Elle m'a dit qu'il fallait les laisser partir pour canaliser les crises d'angoisse à chaque fois qu'il arrive un malheur à quelqu'un, pour cesser d'avoir peur pour les autres et vivre enfin pour moi. Qu'il fallait les laisser partir pour que j'arrête de m'éloigner de mes proches de peur qu'une fois de plus, mon amour ne suffise pas à les retenir ici bas.
Cette nuit je me suis encore réveillée en sueur, maudissant mon inconscient qui semblait vouloir m'étouffer, qui avait fait de ma nuit un énième enfer où quelqu'un que j'aime énormément se balançait au bout d'une corde. La nuit tout devient noir, et mon cerveau ne m'aide pas. J'ai mal, février et août 2020 me font mal. Profondément, dans ma chair. J'ai perdu deux p'tits gars, que j'aimais avec force et fracas. J'ai perdu ces deux petits gars qui avaient certainement signé un contrat d'âme sans le lire, sans conscience que cette vie dans laquelle ils s'engageaient serait trop lourde à porter. Je les ai perdus, où plutôt ils se sont perdus parce qu'ils ont préféré la mort à la souffrance, mais aussi à la vie et à l'amour dont ils étaient pourtant dignes.
Depuis je me bats avec ma tête, avec mon cœur et avec ma culpabilité. Non, je n'en suis plus à me demander si j'aurais pu faire quelque chose pour les retenir, plutôt pourquoi ma colère ne retombe jamais. Coupable, je me sens profondément coupable d'être si en colère, de me dire que j'aurais préféré les savoir assommés aux cachetons plutôt que morts. Je me sens indigne d'eux et en quelque sorte, de leur amitié. N'aurais-je pas plutôt dû les comprendre, accepter de perdre le contrôle, leur pardonner de m'avoir laissé un vide si pesant ? Ne devrais-je pas plutôt ressasser des fous rires et des bons souvenirs en rêve, me réveiller en riant, bénissant la vie de les avoir mis sur mon chemin ? Je suis fatiguée.
Ma psy, prétendue - mais très sympathique - sauveuse d'âmes, m'a dit que le deuil associé au suicide d'un proche était un deuil traumatique, qu'il impliquait de faire face à la culpabilité, à l'égocentrisme qu'incombent des émotions si violentes, à un stress post traumatique. Que dans mon cas, doublement affectée par deux de ces drames consécutifs, il allait falloir établir des ponts et les traverser, ces ponts. L'émotion dominante est alors : je stagne sur ces ponts. J'y marche et m'y sens mieux quelquefois pour que cycliquement, ils s'écroulent sous mes pieds dans un cauchemar ou dans une crise d'angoisse, je n'arrive jamais au bout.
Cessez de me dire : "Il faut" : Il faut accepter, il faut vivre avec, il faut pardonner... Il faut juste que "ça" me laisse tranquille, car j'ai tout fait. Axé ma psychothérapie sur ces événements, décortiqué les mécanismes de la dépression, écouté, lu des témoignages par dizaines, la sophrologie, l'auto hypnose, la méditation sous toutes ses formes, le dialogue avec mes proches et avec des inconnus. Rien n'y fait, je suis terrorisée. J'ai beau savoir que la culpabilité n'est qu'une séquelle, ressasser le libre arbitre et la liberté qu'ont les uns et les autres de faire des choix pour leur propre vie, leur propre mort, me dire qu'on ne se fout pas en l'air au moindre problème pesant, j'ai quand même peur.
A chaque fois qu'on me dit "Ma santé mentale déconne", "Ma vie n'a plus de sens"... Toutes ces phrases qu'on prononce toutes et tous sans les mesurer, je panique un peu plus. Cette terreur me paralyse, m'éloigne des gens les plus fragiles s'ils évoquent des idées suicidaires car, brisée par ces pertes, je ne suis plus capable de les aider sans que cela me coûte. Elle me fait me cramponner à celles et ceux qui se battent et continuent de marcher la tête haute car cela me rassure, Celles ou ceux-là ne paieront pas mes insécurités.
Si vous saviez comme je me sens nulle, vidée de toute confiance en la force de l'être humain, incapable de comprendre. J'ai une chance inouïe, je ne sais pas ce que c'est : la dépression, oui. Les médocs, oui. Les psy, oui. Les idées noires ? Non. Alors comment percuter ? Comment me tranquilliser, me dire que pour beaucoup de personnes il n'y a pas d'autres issues ? Me dire tout ça sans avoir peur qu'un jour, quelqu'un d'autre atteindra le point de non retour et que je n'aurai que ma peine, mon impuissance et mon incompréhension pour bouée de sauvetage lestée de pierres. Pour fissures qui feront s'écrouler d'autres ponts.
Je ne veux plus en rêver la nuit, imaginer des scénarios catastrophes qui me balancent des tsunamis d'anxiété, m'empêchent de respirer et me collent des casseroles dont je ne me défais jamais. A qui, à quoi la faute ? J'ai trop aimé ces deux garçons et les aime toujours trop pour leur en vouloir... Je ne suis pour autant, pas responsable de ce qui m'arrive.
J'en suis meurtrie et épuisée, il paraît que le temps m'aidera, alors je le regarde. En attendant d'accepter, j'écris.
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