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Escale à Paris, Chérie.



        J'ai toujours du mal à comprendre comment fonctionnent les mécanismes de l'Amour. Du reste, comment du jour au lendemain, sans qu'on ne puisse vraiment expliquer pourquoi ni définir un point de basculement, un.e illustre inconnu.e devient une personne que vous n'oublierez probablement jamais. 

       C'est un peu ce qui s'est passé avec M. Je me garde bien d'écrire son prénom, je le garde pour moi. C'est une histoire insensée, une rencontre au hasard, une intrigue faite de curiosité et de fascination mutuelle qui nous a lié plus que de raison. Nous cherchions il y a peu le point de basculement, de non-retour. A quel moment est-ce devenu plus fort que nous ? Depuis quand exactement ne contrôlons-nous plus ? 
  
     Nous sommes un livre fait de tout ce qui nous sépare. Et il y en a, des choses entre nous. Quelques cent-cinquante kilomètres, une génération, des divergences d'opinion, quelques barrières à laisser tomber, deux vies entières. La mienne conventionnelle et confortable mais peu trépidante. La sienne, d'orages, de coups et de cris qui trouvent aujourd'hui encore leurs pansements dans l'Amour et dans l'Art. Dans l'humour et l'Espoir. 

"_ Dis-moi, tu faisais quoi, l'année où je suis née ? 
_ Je venais de terminer de monter mon Opéra Rock que je faisais jouer au théâtre."
(Pour une idée, juste une toute petite idée de ce qui est entre nous, mais ne nous oppose pas.) 

     Je ne sais qu'écrire. Toujours et depuis toujours, elle écrit aussi, elle compose, elle joue la comédie, elle peint, elle chante, elle aime, elle câline, elle ouvre grand les bras à quiconque veut se jeter dedans. C'est  une "Éternelle Amoureuse" me dit-elle, une amoureuse de l'amour. Capable de donner sans compter, sans imposer de recevoir. Et quelque part entre ses "Mots d'Art" et son charme, quelque part entre juin et juillet, quelque part entre lâcher prise et méfiance, elle est entrée dans ma vie. 

      Chaque voyage qui me mène à elle est une escale, comme quelque chose d'illogique qui serait "hors du temps". Ce n'est pas tout à fait Paris, c'est Montreuil. Une rage de vivre différente que dans la capitale et des gens moins pressés. Bourgade populaire dans laquelle les gens, à défaut de toujours se comprendre, au moins se sourient. Et au milieu de cette banlieue que j'apprends à aimer au fur et à mesure que je la découvre, il y a ce tout petit bout de femme. Un mètre soixante de corps très mince vêtu toujours de noir, un visage sans-cesse caché derrière des lunettes de soleil et un bonnet, même en été. Ses allures de garçonne rendent l'intrigue plus folle encore, ses mains m'apprennent au premier coup d’œil qu'aucun luxe n'est ni ne sera perceptible à l’œil nu. Que ce tout petit personnage fondu dans la masse est une femme de l'ombre, qu'on ne peut voir vraiment que si on la regarde.

        Je l'ai regardée, difficilement la première fois car j'avais du mal à soutenir ce regard. Intimidée, déjà charmée plus que d'ordinaire. S'en suivent des mots, de longues heures de discussion et d'écoute mutuelle, d'apprentissage et d'apprivoisement. Tout le luxe des embrassades, accolades et premières calinades perchées dans un parc offrant une vue imparable sur des océans de béton. Toute la surprise de sentir des heures plus tard un parfum qui n'est pas le mien se dégager de mes cheveux. 

       Puis clandestinement, je pars à cœur perdu dans une seconde escale. Escale où l'on écume les chambres d'un hôtel miteux dans lesquelles on rit, dans lesquelles on mange, dans lesquelles on fume. Dans lesquelles on s'aime et l'on signe une "Page Nocturne", ne faisant pas d'elle la femme de ma vie, mais pour sur la Première Femme de ma vie. Qui dans la nuit n'est plus une femme de l'ombre, encore moins une garçonne aux cheveux longs, mais une femme qui danse au son de la voix de Lionel Ritchie dans cette pièce qu'elle embaume d' "Escale à Pondichéry", signé Christian Dior, me rendant éternellement amoureuse de ce parfum dont le luxe invisible et poivré ne quitte plus mon esprit. 

      Ainsi nous ne parlons pas du "Grand amour", mais d'un amour passionnel, incongru, surprenant. Ce, nous faisant nous dire que nous étions écrites l'une pour l'autre et que le hasard du chemin fait parfois bien les choses. Sans une idée quelconque de la durée du passage de l'une dans la vie de l'autre, sans aucun futur à envisager. Simplement au jour le jour dans ce qui s'appelle, je crois, le "Petit Amour". Celui dont on profite mais qu'on ne sacralise pas. Celui qui convient mais ne blesse pas. 

          Elle me dit que je suis "Belle dans son Paris", "son" Paris, quel est-il ? 


    Mon Paris à moi se limite à ce que j'ai arpenté en touriste il y a quelques années. Il devient désormais celui dans lequel je me laisse guider, prendre par la main, sans ne rien penser des regards interrogés, salaces et violents de certains passants. Elle me guide dans son Paris. C'est une promenade Place des Vosges, dans le Marais, République, Beaubourg, Rivoli... Son Paris. Celui que l'on arpente un casque sur la tête, sur un scooter qu'elle pilote d'une main. De l'autre elle ne lâche pas la mienne, joue avec mes doigts, mes ongles longs. Scooter qu'elle gare pour marcher la main dans la mienne, restant inlassablement elle, qui ne se défait jamais des jolies marques de fabrique du langage de banlieue. Ajoutant un "Là" à la fin d'une phrase, comme pour souligner l'essence d'une chose dont elle ne peut pas expliquer l'effet  : "Tes mains Là!". J'apprends même avec un grand amusement qu'à Montreuil, on ne prononce pas "bâtard" mais "BÂÂtard". Et j'aime abandonner les  conventions pour me laisser vivre au rythme de son insolence. Puisque à la ville comme à La Noue, c'est pour elle dans la rue et les gens qui l'habitent, qui sont l'école de la Vie

         J'aime son Paris qui n'est pas celui des universités et des jeunes cadres actifs. Son Paris qui est celui des théâtres, des quartiers populaires, des quartiers dans lesquels il y a des arc en ciels peints au sol, collés autour des poteaux. J'aime son Paris qui n'est plus Paris mais le théâtre de cet amour là. C'est une artiste de l'ombre, qui chante des maux et des joies, écrit pour le plaisir de faire jouer sur scène à la fois du sensible, du potache et du vaudeville, peint des formes rondes, colorées, douces et abstraites. Ne cherchant ni reconnaissance, ni une autre vie que la sienne, elle se veut simplement maîtresse dans l'art d'aimer. 


A toi, Merci d'Être. J'ai de la chance de pouvoir te le rendre, au gré des Escales à Paris, Chérie. 


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