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Identité bousillée.

(Ce billet est absolument déconstruit et brouillon, ça sort sans réfléchir, c'est jeté sur la table et vous en faites ce que vous voulez.)
     

     C'est au cours d'une soirée bien arrosée, dans un moment où les vapeurs font penser plus intensément et de manière désordonnée que m'est venue l'idée d'écrire ce billet. En effet, je me suis  récemment trouvée mal à l'aise lorsque des amis ont commencé à débattre de mon identité, de mes identités. 
Quoiqu'ils n'en ont pas vraiment débattu, plutôt présumé, supposé, et défini les traits. La question que je me suis posée à cet instant a été : Mais qui sont-ils pour vouloir affirmer ce que je suis ? Alors que moi-même, j'ai du mal à me trouver. 
     
    Je sais ne pas être la seule à avoir déjà ressenti cela. Pourtant à ce moment, je me trouvais dans un cadre plutôt safe et amical, dans lequel tout le monde sait montrer de l'affection aux autres. Et je suis persuadée que les personnes qui m'entouraient ce soir là n'ont à aucun moment pensé me faire du mal. Fail, puisque quelque soit la question que l'on pose, l'attitude que l'on soulève, le trait sur lequel on appuie, vouloir définir la personnalité de quelqu'un en se basant sur ses seuls actes et comportements, c'est prendre le risque de blesser, de frustrer, de mettre mal à l'aise. 

     Précisément, il y a des choses que je ne supporte plus d'entendre. 
     J'ai un ami, un mec super cool et plein d'humour et de bienveillance. A chaque fois qu'il me voit, il prend plaisir à me montrer tous les trucs bien sexistes qu'il a trouvé sur internet en me disant "J'ai voulu t'identifier là dessus mais j'avais peur que tu me pulvérises", et ça fait sourire tout le monde. Voilà comment te renvoyer à ta place de méchante féministe. Être l'amie féministe n'est pas une tare, seulement cela devient problématique quand vous n'êtes plus QUE ça. Quand votre ami parle de vous en ne mentionnant ni vos passions, ni vos intérêts, ni vos névroses, ni même votre personnalité et que vous vous retrouvez à devoir débattre avec toute l'assemblée sur l'écriture inclusive, eh bien ça vous nique une soirée. Clairement. 
     
     C'est pareil quand la discussion vire sur mon orientation sexuelle, chose de laquelle je parle volontiers si un.e ami.e me pose la question de manière bienveillante. Mais entendre quelqu'un hurler en soirée : "Ah mais Camille on sait pas trop ce qu'elle aime, elle passe du militaire en uniforme au fantasme sur une actrice méga bonne", c'est gênant. Bien entendu, à cet instant tout le monde se marre, moi je rougis. Et arrive le traditionnel : "Oh mais non ne le prends pas comme ça, on te taquine tu le sais bien." . Ah oui vous taquinez ... Mais c'est quand même abasourdissant de les voir tenter de définir MON orientation sexuelle, alors que moi même, je ne veux pas m'en définir une. Je refuse d'être cataloguée, mise dans une case, je veux simplement laisser faire les choses au gré de mes envies et de mes sentiments. Et comment peuvent-ils penser qu'il est bienveillant de me forcer à donner une justification identitaire à cela. Dois-je en déduire que pour eux, si vous n'êtes ni homo, ni hétéro, et que vous n'aimez pas le terme "Bi" qui vous range dans une énième case, vous n'êtes rien. Ou bien vous êtes bizarre, indécise ou homo refoulée. De quoi vous mêlez-vous ? 

    On pourrait donner plein d'exemples tant les gens cherchent à vous barricader, à vous polariser, à vous ranger dans de petits sacs desquels vous ne pouvez sortir que si c'est pour entrer dans un autre. Personnellement, je commence à croire qu'avoir une identité bien définie est plus utile aux autres qu'à soi même. La névrose identitaire est un truc qui me bousille. Parce que devoir sans cesse prendre parti, me polariser, me présenter me rend malade. J'ai eu peur toutes les fois ou on m'a demandé de me présenter à des personnes que je n'avais jamais vues. Parce qu'à part leur dire : "Je m'appelle Camille, je suis Ardennaise d'origine et étudiante en histoire à Reims", je ne sais pas parler de moi. Ce n'est pas par peur d'un quelconque jugement, c'est parce que même à 20 ans, je suis bien incapable de dire précisément qui je suis. Je sais ce que j'aime, je sais ce que j'ai envie de faire. Je suis capable de parler de cela, j'aime beaucoup discuter, débattre, et dire aux personnes que cela intéresse ce qui me fait vivre chaque jour. Mais je ne peux plus accepter que les gens décident à ma place. 

     Dans le cadre familial, c'est plus frappant encore. Je suis jeune et mes parents se plaisent à me mettre sur un piédestal ou bien tout l'inverse, parfois même m'inventent une vie. Pourtant j'agis avec eux comme j'agis avec tout le monde. Ils disent aux gens que je suis "passionnée d'histoire", "féministe", "de gauche", "grande gueule". Le mentionner, c'est déjà le critiquer, prendre position. Lorsque quelqu'un choisit les éléments qui vont lui servir à parler de vous, c'est déjà une manière de donner un avis. Parler de choses précises, c'est occulter plus ou moins volontairement les autres. Parler de mes études, passe encore. Mais je me demande à quel moment des gens auxquels je n'ai pas envie d'être mêlée doivent savoir ce que je fais de ma vie et ce pour quoi je veux me battre. Ça pourrait paraître banal mais ça ne l'est pas tant. La dernière fois que je suis rentrée chez moi, mon oncle m'a dit en riant "T'es allée t'user les bottes derrière les drapeaux des fainéants de la CGT jeudi ?". Nous n'avions jamais parlé de politique, nous nous croisons au maximum 5 fois par an. Mais ma mère a trouvé judicieux de lui parler de mes opinions politiques, pour lui prouver que la fac, je cite, "lave le cerveau des jeunes". 

     J'aimerais dans tous les cadres être simplement vue comme "Camille". Une personne comme toutes les autres, avec mes passions, mes envies et mes névroses. Ce n'est pas de l'égocentrisme, enfin je ne crois pas. Parce que tout le monde est confronté à ça, sans cesse. Et si ça semble ne pas déranger grand monde, moi ça me bouffe un peu. J'essaie d'ailleurs de ne pas cataloguer les gens lorsque je parle d'eux. Dans la mesure du possible, j'essaie même de ne pas mentionner quelque chose qui ne me concerne pas. Et c'est très difficile parce qu'on est tous tentés de donner son avis sur les gens, de parler d'eux en bien ou en mal. 
     
     En soi, le problème n'est pas tant de savoir,  ou pas, qui je suis, ou qui je voudrais être. Mais de ne plus vouloir laisser les gens décider à ma place ou me forcer à décider. Le défi quant à lui, est de cesser d'être tentée de cataloguer les gens, de ne pas les forcer à se définir selon des critères prédéfinis. Ranger les gens dans des cases, c'est les empêcher d'avancer. 

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