C'est quelque chose dont on parle peu mais qui régit des centaines de vies. Je n'en parle jamais, mais ce soir je décide de l'écrire en espérant que mon expérience et mes quelques solutions peuvent aider toute personne souffrant de troubles obsessionnels compulsifs ou de tics. Parce que l'important, c'est d'en avoir conscience.
Les troubles obsessionnels compulsifs (TOC) sont des troubles anxieux se traduisant par des obsessions absurdes qui mènent la plupart du temps à l'envie irrépressible de répéter des gestes ou des actes mentaux. Il existe de nombreux "sous types de TOC" dont les plus fréquents sont des rituels de vérification, de nettoyage ou de comptage. Les personnes qui en souffrent sont cependant toutes différentes et agissent toutes différemment. Les tics se traduisent eux par des mouvements anormaux venant parasiter l'activité motrice normale d'une personne.
J'ai pris conscience très tôt que j'étais atteinte. Pour moi, ça a commencé vers l'âge de 8 ans avec l'apparition de tics : clignement intempestif des yeux, froncement des sourcils, mordillement des lèvres ... J'en passe. Jamais tout en même temps bien entendu, c'était par périodes. Ma famille s'en est vite rendu compte mais n'a pas toujours su agir en conséquences et c'est comme cela que j'ai souvent pu entendre : "Mais pourquoi tu clignes des yeux sans arrêt ? On dirait une folle.". Le problème avec les tics, c'est qu'ils sont conscients mais incontrôlables. on peut les stopper avec un gros effort, mais cela pour seulement quelques minutes. Dans mon cas, ces tics étaient le fait d'une hyperémotivité refoulée (mon médecin traitant avait pondu le bon diagnostic) et c'est au travers de discussions avec mes parents que ceux-ci ont presque su disparaître. Mais pas entièrement car il m'arrive encore, dans des moments de contrariété ou d'anxiété, de cligner des yeux frénétiquement plusieurs fois en l'espace de trois secondes sans que je puisse m'en empêcher. Ce qui m'a beaucoup aidé, c'est de l'assumer. Enfant, je disais aux gens qui me posaient la questions que j'avais mal aux yeux (mes parents m'avaient emmené chez l'ophtalmo, mes yeux allaient bien ...). Ce n'est que vers l'age de seize ans que j'ai enfin su répondre "Oui je sais, c'est un tic" et quand vous l'assumez, les gens se moquent moins. C'est aussi plus facile en grandissant car les enfants et ados ne sont pas sympas entre eux, je ne vous apprends rien.
Mais à l'adolescence, j'ai vu apparaître plusieurs troubles obsessionnels compulsifs bien plus gênants. A l'inverse des tics, ils sont handicapants dans la vie de tous les jours. Fort heureusement, j'ai su apprendre de cela au travers de lectures et de forums. Je n'ai jamais été suivie psychologiquement pour y remédier et c'est un choix. J'ai toujours pensé qu'une thérapie psychologique ne serait pas utile puisque je savais très bien de quoi je souffrais. L'important est uniquement d'en prendre conscience. Une fois que vous avez compris que vos obsessions n'ont rien de rationnel, vous avez fait le pas le plus important. La suite, c'est une histoire de combat quotidien contre soi même.
Par exemple, j'ai de fortes tendances à l'hypocondrie. Cette peur irrationnelle d'être contaminée par quelque chose ou de tomber malade (courante à la base) donne lieu à des TOC. C'est ainsi que je passe parfois plusieurs minutes à scruter mes mains pour m'assurer qu'elles ne soient pas sales. En cours, au boulot, au gymnase, chez moi ... Toutes les heures, je passe mécaniquement mes mains en revue même si celles ci viennent d'être lavées. Le problème se pose lorsque je dois être concentrée sur autre chose : en cours par exemple. Il m'est souvent arrivé qu'un professeur me dise : "Vous vous occuperez de vos ongles plus tard." (comment passer pour une potiche), parce que je scrutais une énième fois mes mains au lieu de l'écouter. Si j'ai les mains sales et qu'une crise survient à ce moment là, je ne pense plus qu'à ça jusqu'à ce que je trouve un robinet et du savon.
Quand la crise arrive, j'élabore chaque jour de nouveaux stratagèmes. ce qui fonctionne le mieux reste de courir aux sanitaires me laver les mains. Sinon, je lutte pour garder les mains coincées entre mes deux genoux ou sous les fesses lorsque je suis assise pour réussir à me concentrer sur autre chose, et c'est souvent peine perdue. Il n'est peut-être pas la peine de préciser que j'ai le même souci avec la propreté et la symétrie des ongles, le maquillage qui par malheur aurait coulé, les lunettes sur lesquelles il y aurait une malheureuse trace ... J'en passe. C'est de la pure maniaquerie corporelle. Le genre de TOC qui m'oblige à prendre une douche le soir, même si la soirée fut bonne et que je rentre ivre à 5h du matin, sous peine de ne pas pouvoir dormir. (Handicapant quand on ne dort pas chez soi et que la douche réveille vos hôtes en pleine nuit, mais c'est ça ou l'insomnie.)
Ce qu'il y a de plus difficile à vivre, et il est important pour moi d'en parler car ce trouble est peu connu, c'est la trichotillomanie. Le terme semble rigolo ... Mais non.
C'est un trouble du comportement qui se traduit par l'envie irrépressible de toucher ou arracher ses cheveux, cils, sourcils, poils en tout genre. Chez moi, ce sont les cheveux et les sourcils qui morflent.
La première crise est survenue peu de temps après mon entrée en classe de cinquième. Je n'ai toujours pas identifié ce qui a pu déclenché ce trouble. Je sais cependant que cela résulte d'un trop grand degré de maniaquerie puisque je souffre d'une forme peu commune de trichotillomanie qui me fait m'arracher les cheveux un par un et seulement s'ils sont trop frisottés au toucher. (Là, c'est le moment ou les gens me prennent pour une folle. Ne vous en faites pas, je ne suis pas dangereuse.).
Les crises sont plus fréquentes en périodes d'anxiété (examens, avant un oral ou un entretien d'embauche, après une dispute ...). Pour vous donner une idée de ce que cela peut être, vendredi j'avais 4h d'examens de géographie. J'ai passé les quatre heures à écrire de la main droite, tout en passant en revue mes cheveux de la main gauche, en arrachant un toutes les cinq minutes. A raison de 4 crises par jour dans les pires périodes, vous imaginez les dégâts. J'ai une chance inouïe d'avoir les cheveux épais, je peux masquer les trous.
Les "solutions" sont peu nombreuses : Comme cela suscite une forte honte (première fois que j'en parle à quelqu'un d'autre qu'à mes amis), on essaie de faire ça discrètement (et c'est souvent loupé puisqu'on ne contrôle pas la crise). De plus, le geste est conscient et il relève (pour certains psys) de l'automutilation dans la mesure où le geste effectué apporte une forme de soulagement malgré qu'il soit douloureux. Et je confirme, c'est douloureux au bout d'un moment. Mais bien que conscient, le geste est encore une fois mécanique et l'envie irrépressible. Le mieux est d'essayer d'identifier le facteur déclencheur de la crise, mais si elles deviennent trop fréquentes, elles relèvent de l'habitude. Pour moi, c'est encore un gros problème puisque les crises sont quasi journalières. Je les note donc dans un petit carnet depuis mai 2015 : Date, lieu, durée, état d'esprit avant/après. Et je tente en vain de trouver un remède. Les cheveux bien attachés, je m'attaque mécaniquement aux sourcils, et là ... Ça se voit. Le maquillage est alors la seule alternative. J'ai consulté mon médecin qui m'a dit que le soutien psychologique était encore une fois inutile puisque j'étais consciente et renseignée quant au trouble en question. Il a voulu me prescrire des anxiolytiques, j'ai refusé. Je ne pense pas que me doper aux cachets soit la solution et ce trouble n'influe plus sur mon moral. Comme pour les autres TOC avec lesquels j'évolue, j'apprends à vivre avec et tente de les contrôler au maximum.
Je pense qu'il faut voir cela comme une particularité plutôt que d'y chercher une maladie mentale quelconque. Je ne suis ni dépressive, ni démente. J'extériorise l'anxiété différemment.
Seulement, j'aimerais pouvoir sortir du silence et demander aux personnes qui remarquent ces troubles et obsessions en tout genre de ne pas nous catégoriser. Nous, les toqués, les maniaques, les hypocondriaques, les trichotillomanes. Les psychologues et psychiatres s'accordent tous à dire que nous souffrons d'une hyperémotivité disproportionnée par rapport à la "normale" disent-ils ... Mais plutôt que de chercher des problèmes où il n'y en a pas forcément, ils devraient reconnaître que la seule chose dont nous avons parfois besoin, c'est du soutien. La seule personne que je dérange en souffrant de troubles comme ceux-ci, c'est moi même. Et croyez moi, ce n'est pas tous les jours marrant. Les crises de larmes quand vous vous regardez dans le miroir et que vous vous sentez coupables de vous être arraché un demi sourcil, je connais. Les maux de dos à force de se crisper de stress juste parce que vous avez les mains sales, aussi. Les allers-retours répétitifs pour vérifier cinq fois si la porte est bien fermée ? Un classique. J'en passe ...
Ceci n'est pas un appel à l'aide, ni une complainte de moi-même. J'espère juste pouvoir vous aider à comprendre. Aider d'autres personnes en phase d'acceptation de leurs troubles compulsifs et en trouver qui peuvent m'apporter du soutien. Car on n'en a jamais trop, du soutien.
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